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Extraits..

Ma papa est un témoignage authentique, une histoire vraie.

 

J’ai l’ai écrit étape par étape au cœur de la tempête, car je n’ai trouvé aucune association, aucun professionnel expérimenté, aucun conseil avisé, aucune personne dans ma situation et qui aurait pu m’éclairer. Les associations LGBT, qui défendent les droits des personnes transgenres et rechignent à reconnaître les dégâts collatéraux potentiels sur les enfants, n’ont été d’aucun secours.

Avancer seul, c’est le lourd tribut des pionniers, ceux qui marchent en première ligne et qui défrichent.

Alors, ce livre s'adresse tout d’abord aux parents et familles, qui se retrouvent dans la même situation que moi, avec de jeunes enfants face à la transition d’un parent.

 

Parce qu’il offre un autre regard que celui de la personne qui transitionne, il s’adresse également à ceux que la transition touche directement. Quelle que soit leur position : parents, enfants, amis, frères et sœurs, famille…

 

Plus largement, ce livre offre la possibilité de regarder sous un autre angle un phénomène de société, sur lequel on a trop peu de recul encore : la transition.

 

Parce qu’il porte un message de prudence à travers un témoignage, il s'adresse également aux professionnels accompagnant l'enfant et la famille : psychologues, médiateurs, intervenants des Maisons de la Protection de l’Enfance, médecins, infirmières en pedo-psychiatrie, assistantes sociales, institutrices et professeurs...

 

 

Durant ces quatre années de transition, Léo n’a pas toujours pu exprimer ses émotions avec des mots. Mais il a beaucoup dessiné. 

Les œuvres illustrant ce récit sont les siennes.

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"Pris en otage"

Nous sommes le 4 Août 2019.

Il est six heures du matin, nous sommes en gare de Montpellier. Avec mon fils, nous avons rendez-vous sur le quai, devant le TGV à destination de Nancy. Nous y retrouvons le papa de Léo. Nous sommes à l’heure. La scène qui se déroule devant moi me laisse une impression bizarre, difficile à définir. Je ne sais que penser alors je me contente d’observer. 

 

Dans le haut parleur, une voix féminine annonce le départ imminent du TGV à destination de Nancy. Mon fils, mon petit lutin, se tient bien droit dans le sas d’entrée du "train qui va très très vite".
Du haut de ses six ans, on dirait un petit homme, fier, résolu, heureux. Car aujourd’hui, c’est le jour tant attendu du voyage en Lorraine, où il va retrouver la famille de son papa à Toul, pour trois semaines. Un voyage qu’il attendait avec impatience.

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Le papa en question se tient à côté de lui, appuyé contre le montant de la porte, les jambes croisées, avec un léger déhanché caractéristique des pin-up de carte postale. Léo, le lutin, jette un regard à son père. D’emblée, il s’appuie lui aussi contre l’autre montant et réajuste ses jambes pour adopter la même position que son modèle paternel. Je sens toute la fierté qu’il éprouve face à son papa et je note ce mouvement inconscient qu’il fait pour lui ressembler en adoptant la même posture.

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La scène est touchante, très touchante même, si j’en oublie son contexte particulier. Mais un rapide coup d’œil sur papa-le-super-héros fait grincer un ongle sur mon tableau. D’un côté, nous avons le lutin, adorable petit garçon aux cheveux blonds et bouclés en bataille, tee-shirt bleu et short spiderman.


De l’autre côté, le papa.  Sa silhouette fine et musclée est moulée dans un jean près du corps. Il est chaussé de basquettes roses et porte un dessus que je reconnais car il m'a appartenu autrefois. C’est un tee-shirt noir, féminin, avec une belle illustration de femme gothique, aux manches chauve-souris. Un tee-shirt dessiné pour laisser apparentes les épaules. Mais les épaules que je vois sont carrées. Il a laissé pousser ses cheveux, mi-longs, savamment répartis sur ses tempes pour cacher un tout début de calvitie dont il a horreur. Ses ongles sont longs et peints d’une pâle couleur nacrée. Il a habilement et discrètement maquillé ses yeux et sa bouche. Le résultat est subtil mais repérable.
 

Car papa a décidé de devenir une dame.

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"Papa va devenir une dame"

"Maman, tu sais que Papa va devenir une dame ?"

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Surtout, rester calme. Ouvrir le dialogue. Tout va bien. Mon petit loulou, gigotant comme il en a l’habitude, m'annonce fièrement cette nouvelle.  

- Et bien oui mon loulou, je le savais car Papa me l’a dit il n’y a pas longtemps. Alors, il t’a expliqué ? 

- Oui, il m'a montré ses chaussures à talons !
- C’est le projet de Papa mais tu sais Léo, ça va prendre du temps. Ça ne va pas se faire en quelques jours.
- Ben oui, c’est sûr." répond le loulou en s’éclipsant. 

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Et hop, le voilà parti dans ses jeux. Je le regarde s’amuser tranquillement. La nouvelle n’a pas l’air de le toucher. Est-ce normal ? Du haut de ses six ans, ça semble être une annonce comme une autre. Je ne sais pas comment réagir. Dois-je creuser ? Dois-je attendre la suite pour constater si cette curieuse nouvelle entraîne des soubresauts ?

Prise dans mes réflexions, je réalise soudain que Jeff  a montré ses chaussures à talons à son fils. Déjà ? 

Qui d’autre que Léo, petit garçon de cinq ans et demi, a vu ces chaussures car Jeff ne sort pas dans la rue habillé en femme. Je le sais car il me l’a dit. Il aime être chez lui car il peut enfin librement porter ses vêtements et accessoires féminins et c’est un crève-cœur pour lui de devoir être encore un homme chaque fois qu’il sort. 

Il me confiera également que sa vie sociale se réduit comme peau de chagrin et que ses principales interactions se font via internet et l’écran de son ordinateur.

Soudain je me pose une question terrible, que je réalise ne pas avoir posée à Jeff : s’est-il habillé en femme devant son fils le week-end dernier ? Rien qu’à cette idée, mon sang se glace. J’appelle Jeff pour en être certaine. Il me confirme qu’il a simplement montré ses chaussures à Léo, qui voulait les voir. Je suis rassurée et en profite pour lui demander d’attendre un peu avant de se montrer en femme devant son fils.

En guise de réponse, j’obtiens un silence. Je connais ce silence pour l’avoir moult fois affronté. Un silence qui dure trop longtemps et en dit long. Jeff n’apprécie pas ma demande, je sens qu’elle vient contrecarrer ses projets. Je sens qu’il perçoit cette requête comme une intrusion, une prise de pouvoir de ma part.
Il me répond finalement :
"Pour le loulou, je peux faire cet effort, mais tu sais, au bout d’un moment, il va me voir comme ça. C’est ce que je suis à l’intérieur, je suis une femme.
- C’est ok, mais pour l’instant, c’est trop tôt. Allons-y par étape, si tu veux bien."

"Petit zèbre en CE2"

Alors que je m’évertue à trouver une place sur le parking bondé de l'hôpital, regrettant que la téléportation ne soit pas encore au point, j’espère que les cicatrices de Jenny seront cachées sous des bandages. J’ai une appréhension phobique pour les blessures et les points de suture.

 

Hélas non, je ne serai pas épargnée. Jenny apparaît devant moi, son sac en bandoulière, serrant dans ses bras son dossier médical. Elle marche à petits pas prudents, emmitouflée dans sa veste, le visage blanchâtre, vulnérable. Alors qu'elle prend place dans la voiture, je glisse un regard vers elle. D'une oreille à l'autre, suivant la naissance des cheveux, court une balafre que j'évite de regarder. Ses pommettes sont rouges et trop gonflées. D'emblée, je lui suggère de m’épargner les détails de la chirurgie si elle ne veut pas que je vomisse au volant. J'ai l'estomac au bord dès lèvres.

 

Jenny est extrêmement fatiguée. Sur la route du retour, elle ne se plaint pas.  Je vois cependant que sa douleur se réveille. Je m'arrête pour dévaliser une pharmacie en présentant une ordonnance plus longue que la liste du Père Noël et je dépose finalement la papa de mon fils chez elle. Avant de partir, je lui fais une dernière demande : celle d'attendre un peu avant de montrer son nouveau visage à son fils. 

 

Jenny patiente quelques jours car son visage gonfle des suites de l'opération. Dès qu'il reprend une apparence acceptable, elle en envoie une photo à Léo. Elle ne me prévient pas.  Elle ne me demande pas d'être aux côtés de notre loulou lorsqu'il découvrira sa nouvelle papa. Peut-être se dit-elle qu'il est impatient et n'envisage même pas que ce début de transformation définitive puisse choquer son fils.  En un clic, la photo atterrit dans leur conversation sur Cocon. Léo, du haut de ses huit ans et demi, se retrouve seul face à ce portrait. 

 

Il ne m'en parle pas.  Il ne l'évoque même pas. Je suis incapable de dire quelle a été sa réaction. Je n’ai pas été conviée à y assister. Elle a été engloutie dans son lourd silence intérieur. Sans une vague, sans un mot.  Et je ne peux qu'espérer qu'elle ne serve pas de déjeuner au monstre Colère, qui tourne en rond dans sa cage.

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Olivia Reyes

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